Mais qu’est-ce que le pays welche ?
L’ancien canton de Lapoutroie (à l’ouest de la Communauté de Communes de la Vallée de Kaysersberg), comprend cinq communes : Le Bonhomme, Fréland, Lapoutroie, Orbey et Labaroche. Il forme le pays welche.
Welsch, en allemand, signifie étranger de race latine. C’est ainsi que les Alsaciens de langue germanique appelaient les Alsaciens de langue romane qui habitaient les vallées vosgiennes. Ce terme, romanisé en Welche, fut introduit par Voltaire dans le français littéraire.
Pourquoi parle-t-on une langue romane dans le canton de Lapoutroie, situé à la frontière de l’Alsace ?
La langue welche : une origine lorraine
Dès l’époque carolingienne, les abbayes lorraines de Saint-Dié et d’Étival ont des possessions dans la vallée de la Weiss. Les comtes d’Éguisheim ont des terres de chaque côté des Vosges. Ces seigneuries installent probablement des colons lorrains sur leurs terres du Val d’ Orbey.
La route du col du Bonhomme relie donc Lorraine et Alsace. Vers l’an 1000, Les comtes d’Éguisheim construisirent le château du Hohnack, à Labaroche, et créèrent autour, une seigneurie, la seigneurie du Hohnack. Pour faire vivre le château, des colons furent installés à Orbey et Lapoutroie.
Pendant plusieurs siècles, une population de langue romane vécut dans le cadre d’une administration de langue germanique, la seigneurie du Hohnack. Vivant dans des fermes dispersées, comme dans les Vosges lorraines, les paysans conservaient leur patois roman.
Cette langue fut parlée couramment jusqu’à la Seconde guerre mondiale, soutenue par le monde paysan. Mais le déclin de l’agriculture a entraîné le déclin de la langue.
Le pays welche : une unité administrative
Les premiers seigneurs furent les comtes d’Éguisheim, puis leurs héritiers, les comtes de Ferrette en 1144 et ensuite les Habsbourg en 1324. Les sires de Ribeaupierre, installés à Ribeauvillé, s’étaient emparés, entre temps, de la seigneurie du Hohnack. Ils la reçurent en fief d’Albert d’Autriche. Pour mieux gérer leurs différents domaines, les Ribeaupierre les répartirent en bailliages. Le bailliage du Val d’Orbey recouvrit la seigneurie du Hohnack (Labaroche, Lapoutroie, Orbey, Fréland et plus tard le Bonhomme)
Le bailliage du Val d’Orbey dura jusqu’à la Révolution. A la Révolution, en 1798, le bailliage devint le canton de Lapoutroie.
Ainsi, durant des siècles, les cinq communes du canton dépendirent de la même administration et sont encore groupées actuellement, non seulement dans un canton, mais aussi dans une communauté de communes, celle de la vallée de Kaysersberg.
Le pays welche : un pays rural
Le canton fut, depuis l’origine, un pays d’élevage et produisit du beurre et du fromage qu’on appelle “fromage de Munster“. Au XIX° siècle, l’industrie du coton s’installa. Mais l’élevage se maintenait et la région resta en majorité rurale.
Le parler welche évoque les activités agricoles avec beaucoup de richesse et de finesse. Il a aussi intégré des mots nouveaux, liés au travail à l’usine ; ainsi le terme firôbe signifie la fin de la journée de travail et est l’adaptation de l’alsacien firôwa (Feuerabend).
Le pays welche : une région frontière
Cause et conséquence à la fois de sa particularité, le pays welche est une frontière millénaire.
C’est une frontière géographique : la ligne bleue des Vosges barre énergiquement l’horizon. A la gare de Fréland, un défilé rocheux ouvre vers Kaysersberg.
Le pays welche est aussi une frontière politique et donc stratégique. Frontière entre le Duché de Lorraine et les Territoires alsaciens, particulièrement surveillée par le château de Kaysersberg. Frontière entre l’Empire allemand et la République française, avec les tragiques batailles des guerres mondiales qui ont ravagé le secteur.
Les influences welches, françaises, se sont mélangées depuis longtemps avec les influences germaniques. Le fonds français domine et a résisté aux pressions politiques, même à l’époque allemande. Le retour dans le giron français a facilité l’expression française du canton welche. Mais en même temps, il porte un coup redoutable au maintien du parler patois, qui apparaît souvent maintenant comme une particularité traditionnelle, voire folklorique, plutôt que comme un moyen d’affirmer et de défendre sa singularité.